mardi 9 août 2011

Pauvreté: pâtes, soupe, fruits et dignité

La Croix-Rouge compte seize épiceries sociales. Elles sont soutenues par l’opération “Chèque Croix- Rouge”, en cours jusque fin septembre.
Un doux tintement se fait entendre à l’entrée de la Maison Croix-Rouge (MRC) Ravel à Jumet. "Bonjour, bonjour ? Vous allez bien ? Même avec la pluie ?", accueille chaleureusement Marie-Christine Rouge, trésorière de la MCR. "Oh, oui !" , s’exclame en chœur un jeune couple de Togolais en pénétrant dans la petite épicerie sociale. "Je parie que vous venez chercher vos crevettes ?, interroge Marie-Christine. Et qu’allez-vous préparer de bon ?", s’enquiert-elle tandis que le couple complète son panier de quelques pommes et bananes. "Une préparation de chez nous, avec des légumes, un peu d’épices et de piments "
Derrière eux, biscuits, confitures, sucre, pâtes, soupes, cornflakes, plats préparés, articles sanitaires et d’hygiène sont minutieusement alignés sur de grandes étagères décorées de dessins colorés. Pommes, oranges ou encore bananes sont rangées à proximité des congelés (sticks de poisson, poulet pané, ) tandis qu’un frigo vitré est garni de charcuteries et fromages. Ouverte en mars 2010, l’épicerie sociale de la MCR Ravel propose ainsi tous les lundis, mardis, jeudis et vendredis, de 9 h à 12 h 30, plus de 210 articles différents à des prix très modiques.
Voici un peu plus de dix ans que la Croix-Rouge de Belgique a décidé de se doter d’épiceries sociales. La première fut inaugurée en 2000 à Leuze-en-Hainaut. Aujourd’hui, la Croix-Rouge compte seize épiceries sociales en Communauté française : 15 en Wallonie (dont 9 dans la province du Hainaut) et une à Bruxelles.
"Pendant des années, la Croix-Rouge a fourni de l’aide alimentaire sous la forme de colis que les bénéficiaires venaient réceptionner une fois par mois pour la somme de cinq euros, se rappelle Jean Quinaux, président de la MRC Ravel. Le problème, c’est que le colis, d’une valeur de 23 à 28 euros, ne répondait pas toujours à l’attente des clients. En créant des épiceries, la Croix-Rouge a permis aux gens de réellement faire leurs courses; ils achètent ce qu’ils veulent à des prix moitié moindre que ceux en magasin. De même, alors que nous n’osions pas mettre de produits d’hygiène ou sanitaires dans les colis pour ne pas "choquer" les gens, nous nous sommes rendu compte que ces produits (shampoing, savon ) sont très plébiscités dans l’épicerie car ce sont aussi des articles assez chers dans le commerce."
Pour Kathy Stinissen, directrice du département "Action sociale" de la Croix-Rouge, la création des épiceries sociales "a changé la notion caritative de l’aide alimentaire. En venant faire eux-mêmes leurs courses et en choisissant leurs produits, les bénéficiaires restent acteurs de leur vie, se sentent ‘citoyens’ et, surtout, préservent leur dignité" .
En outre, alors que le système des colis n’invitait que peu à la convivialité entre les bénévoles de la Croix-Rouge et les bénéficiaires, "nous constatons que l’épicerie sociale permet de nouer un véritable lien social entre nous et les clients, qui va bien au-delà de la stricte aide alimentaire. On les écoute parler de leurs problèmes, leur famille Quand ils éprouvent des difficultés à venir jusqu’à l’épicerie, on leur amène leurs courses chez eux ; on fournit parfois des vêtements; etc.", indique M. Quinaux.
La petite épicerie de la MCR Ravel tourne grâce à la mobilisation sans faille de trois bénévoles. Mais avant, il a fallu aménager le local : placer les étagères, installer un frigo et deux congélateurs, acheter une caisse-enregistreuse Pour ce faire, la MCR a reçu le soutien du Fonds Vreven (Fondation Roi Baudouin) et du CPAS de Charleroi.
Enfin, il faut régulièrement approvisionner l’épicerie. C’est le rôle de Marie-Christine Rouge, bénévole depuis plus de vingt ans. "Je vais faire les courses tous les deux jours car nous proposons des produits frais que nous ne pouvons pas stocker longtemps, explique-t-elle. J’achète aussi certains produits en fonction des demandes des clients. Par exemple, une dame m’a demandé de la farine fermentante parce qu’elle prépare ses gâteaux elle-même, ce qui lui coûte moins cher. Nous avons aussi parmi nos clients des gens du Maghreb, donc j’essaie d’avoir des produits halal. Certaines personnes sont diabétiques, je veille alors à proposer des produits sans sucre."
Outre la vente d’articles à bas prix, la Croix-Rouge s’attache aussi à la qualité d’une alimentation saine : fruits et légumes de saison, alimentation variée et nutritive "J’ai également conçu des petites fiches cuisine pour aider les bénéficiaires à préparer tel ou tel aliment" , ajoute Marie-Christine.
Toujours en quête des produits les plus sains et aux meilleurs prix, Marie-Christine constate avec inquiétude que "la vie devient de plus en plus chère. Le prix de certaines denrées grimpe parfois de 0,50 euro en un jour ! C’est énorme pour certaines familles." Si la petite épicerie sociale a débuté avec 25 clients émargeant au CPAS, aujourd’hui, ils sont 50, ainsi qu’une dizaine dépendant de la mutuelle. "En tout, nous recevons 75 bénéficiaires dans notre épicerie, ce qui représente 350 à 400 personnes", précise Jean Quinaux.
Alors qu’en Belgique une personne sur sept vit en-dessous du seuil de pauvreté, "le modèle classique des gens précarisés est bousculé depuis plusieurs années, rapporte Kathy Stinissen. Sont de plus en plus touchées les familles monoparentales ainsi que les personnes âgées". Et la crise financière et économique n’a rien arrangé : "depuis 2007-2008, la demande en aide alimentaire auprès de la Croix-Rouge a augmenté de quelque 6 %" , indique-t-elle. A tel point que trois nouvelles épiceries sociales vont voir le jour à La Roche en Ardenne, Ans et Sprimont.
Pour achalander les rayons des épiceries sociales, les bénévoles usent de toutes les ficelles et, depuis quatre ans, ils reçoivent le soutien de Sodexo, dans le cadre de l’opération "Chèque Croix-Rouge". Concrètement, jusqu’au 30 septembre, les bénéficiaires de chèques repas/Lunch Pass® de Sodexo peuvent offrir un ou plusieurs de leurs chèques à la Croix-Rouge, ce qui lui permet de financer ses épiceries sociales et des camps de vacances pour des enfants défavorisés (lire ci-contre). En trois ans ont ainsi déjà été réunis plus de 200 000 euros et créées deux épiceries sociales. "Une réelle bouffée d’oxygène pour la Croix-Rouge, qui ne vit que de dons", se félicite Kathy Stinissen.
Plus d’infos sur www.croix-rouge.be


téphanie Bocart
Mis en ligne le 09/08/2011

http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/677929/pauvrete-pates-soupe-fruits-et-dignite.html