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Société
Des biscuits qui réchauffent les cœurs
Clémence Kreit
Mis en ligne le 15/03/2010
L'ASBL "Les Biscuits" distribue des colis aux défavorisés. L'occasion d'établir un contact avec des personnes socialement isolées.
Reportage
Gare Centrale. Il est 21 heures. Une douzaine d'hommes et de femmes vêtus de vestes orange se sont donné rendez-vous dans le hall de l'imposant bâtiment. Echanges de bises et de quelques mots. L'ambiance est conviviale. C'est qu'à force de se retrouver tous les premiers et troisièmes vendredis du mois, les bénévoles de l'association "Les Biscuits" se connaissent bien. Leur mission ? Distribuer des colis aux sans-abri de la gare. Mais pas uniquement. "Seuls 15 % de notre "clientèle" vivent dans la rue", constate Hoan Tran, volontaire depuis 2001. "Les autres ont peut-être un toit, mais ils vivent dans une grande précarité financière. Et souvent, celle-ci s'accompagne d'une précarité sociale. En plus de distribuer de la nourriture et des produits de première nécessité, nous tenons donc à passer un peu de temps avec ces personnes".
21h15. Sylvie arrive, le coffre de sa voiture plein à craquer. "C'est moi qui ai fait les courses aujourd'hui", explique la bénévole. "L'association dispose de 120 euros pour une soirée. Il faut donc calculer savamment pour remplir les colis sans dépasser le budget".
Les bras chargés, les membres de l'équipe se dirigent vers les couloirs de la gare. Et c'est sur place qu'ils garnissent les colis. Ce soir, les petits paquets renfermeront chocolats, shampoing, gaufres, gâteaux, oranges et frangipanes. Pendant ce temps, une cinquantaine de personnes fait la queue. "Il n'y a pas grand monde aujourd'hui", constate Robert Hellinckx, chargé des partenariats pour l'ASBL. "Durant l'hiver, entre 100 et 150 personnes viennent au rendez-vous. Contre une cinquantaine en été", ajoute cet assureur de profession, membre des "Biscuits" depuis trois ans.
Dans la file, les habitués patientent dans le froid. "Je suis sorti de prison il y a quelques mois. En attendant de trouver un appartement, je dors dans la gare", témoigne Vilugron. Plus loin, Simone fait la bise à une bénévole et lui raconte ses soucis de santé. Son sourire laisse apparaître deux dents solitaires. "Je viens souvent ici. Je connais bien l'équipe", explique Simone. A 72 ans, cette ancienne mineure vit dans un centre d'accueil pour personnes sans-abri. "Je ne dormirai jamais dans la rue. J'ai bien trop peur avec tout ce qu'il s'y passe". La vieille dame reçoit son paquet. "T'es vraiment bien gentille ma grande !", remercie-t-elle.
Pour éviter les débordements, l'ASBL limite la distribution à un colis par personne. "Je ne peux pas en avoir un deuxième pour mon chien ?", tente un jeune homme. Non. La règle, c'est la règle. "Un bénévole ferme la file pour s'assurer que certains ne passent pas deux fois. Les inégalités créeraient des conflits que nous ne pourrions pas gérer", explique Hoan Tran.
A 21h45, les bénévoles remballent tables et colis excédentaires. Pendant que certains discutent avec la foule, d'autres constituent une "équipe volante". "Nous nous promenons dans les alentours de la gare pour donner l'excédent de fruits aux sans-abri. Certains SDF ne se déplacent pas jusqu'à la gare car ils ont honte ou ne peuvent pas entrer à cause de leurs chiens", raconte Axelle Glikerman.
Sous la pluie, les volontaires font le tour des abris de fortune. "Merci beaucoup". "Vous êtes gentilles mesdemoiselles". Des sourires illuminent des visages rongés par la vie. "Vous voulez du chocolat ? Je vous l'offre. Ça me fait plaisir", propose un jeune sans-abri. Comme un besoin de donner en retour.
Dans la galerie Ravenstein, l'accordéon d'un SDF rythme les pas des bénévoles. "Les gens sont souvent cordiaux avec nous", observe Axelle Glikerman. "Mais il nous arrive aussi de nous faire agresser verbalement. Certains se sentent atteints dans leur dignité. D'autres nous rétorquent qu'une mandarine n'améliorera pas leur situation", ajoute Natacha Montenegro.
De retour dans les couloirs de la gare, le reste de l'équipe bavarde avec les "clients". "Depuis que tu es mariée Stéphanie, on ne te voit plus !", regrette Freddy, un vieil homme aux yeux rieurs. "Je vous vois plus que ma grand-mère, pourtant !", rétorque la bénévole. Les rires résonnent dans les couloirs glacés de la gare.
Un peu plus loin, Abiasafe papote avec d'autres volontaires. Lui, est SDF par choix. "Cela ne m'a jamais intéressé de travailler ou d'avoir un logement. J'ai pourtant un diplôme de photographe. Mais j'aime la liberté et un salaire m'en priverait", témoigne-t-il. Avec un sac gonflé de livres pour unique bagage, ce rêveur brésilien ne changerait sa vie pour rien au monde.
A 23 heures, les discussions prennent fin. Les bénévoles regagnent leur domicile. Les sans-abri, eux, resteront dans la gare.
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