mercredi 21 septembre 2011

Les pauvres mis au régime


Six pays membres de l’Union s’opposent à l’octroi d’une aide alimentaire aux plus démunis. Car elle est financée par la Politique agricole commune.

Dans la lutte opposant "l’Europe des égoïsmes" à "l’Europe des solidarités" -pour reprendre les mots du Français Bruno Le Maire-, la première a remporté une bataille mardi à Bruxelles. Mais peut-être pas encore la guerre. Les ministres européens de l’Agriculture n’ont pas réussi à s’entendre sur la prolongation pleine et entière de l’aide allouée depuis 1987 aux banques alimentaires. D’une valeur de 480 millions d’euros, elle risque bel et bien de passer à 113,5 millions l’an prochain. "C’est une honte , a réagi le ministre wallon Benoît Lutgen, à l’issue de la réunion. Comment voulez-vous que l’Europe ait encore un sens pour les citoyens ?"

Le problème ne vient pas de l’Europe en tant que telle : les commissaires européens, les eurodéputés et les ministres de vingt et un Etats membres sont favorables à l’octroi de ces fonds qui ne coûtent jamais qu’un euro par an par habitant et permettent d’apporter des vivres à près de dix-huit millions de démunis. "Il ne faut pas mettre l’étiquette de cette défaite sur l’Union" , a insisté le commissaire en charge de l’Agriculture, Dacian Ciolos.

Car le problème vient de six pays : l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et la République tchèque estiment que cette aide, puisqu’elle est "sociale" , doit être de compétence nationale et ne peut être octroyée sur une l’enveloppe de la Politique agricole commune. La Commission a eu beau leur soumettre une base juridiquement acceptable pour sortir de l’impasse, ces Etats l’ont refusée. "Il sera très difficile d’expliquer pourquoi un programme qui a vingt-cinq ans d’histoire sera bloqué pour deux ans, juste parce que certains Etats membres ne souhaitent pas assumer leur responsabilité politique et se cachent derrière toutes sortes d’arguments juridiques qui n’ont pas lieu d’être ." La situation se révèle d’autant plus absurde que, comme l’a rappelé Dacian Ciolos, "nous disposons de l’argent pour ce programme et on ne pourra pas l’utiliser" . "Nous n’avons pas un problème financier ni juridique, nous avons un problème politique" , en a conclu le Polonais Marek Sawicki, président en exercice du Conseil des ministres.

Si aucune solution n’était trouvée, "je proposerai au gouvernement wallon de compenser entièrement" le manque à gagner pour la Région, soit 2 millions d’euros, a affirmé M. Lutgen. Mais la Pologne, qui espère encore sortir de l’impasse en octobre, verrait bien le sujet porté à l’arbitrage des chefs d’Etat et de gouvernement lors du sommet européen des 17 et 18. Avec un espoir, exprimé par le ministre Sawicki : "en revenir à l’idée de solidarité européenne" , dont "l’un des objectifs est de fournir la sécurité alimentaire à tous les citoyens" .

Sabine Verhest
Mis en ligne le 21/09/2011
http://www.lalibre.be/actu/international/article/686603/les-pauvres-mis-au-regime.html



Aucun commentaire: